Le Bien et le Mal

La notion de bien ou de mal peut être perçue comme étant assez relative ou subjective selon l'individu, le lieu, l'époque ou la société dont nous parlons.

Le droit des différentes sociétés, à commencer par celui du code d'Hammurabi, sumérien et communément daté du XVIIIe siècle avant notre ère, définit une idée commune de ce qui est interdit. Il est clair que les conséquences ne sont pas neutres, car de cette définition découlent des notions telles que justice et châtiments pouvant aller jusqu'au droit de vivre ou de mourir.

Le peuple hébreu n'a pas été exempt de tels concepts. En effet, la Loi donnée à Moïse au mont Sinaï peut être vue comme une alliance ou contrat passé entre Dieu et Israël, mais aussi comme un code de bonne conduite. Sa nature est résumée dans la Thora notamment par Deut.30:15 : "Vois, je mets aujourd'hui devant toi la vie et le bien, la mort et le mal." On peut donc considérer que le bien et la vie vont de pair, du moins c'était la promesse faite aux juifs par Dieu.

Cette conception du bien et du mal peut-elle évoluer ou reste t-elle figée à jamais ? Poser la question, c'est déjà y répondre. Examinons les faits relatés dans la Bible elle-même.

1/ La parabole du jardin d'Eden :

Gen.2:16,17 nous apprend qu'un ordre a été donné alors à cet homme Adam qui était doué de capacités spirituelles : "L'Eternel donna cet ordre à l'homme: Tu pourras manger de tous les arbres du jardin; mais tu ne mangeras pas de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras." Après un certain temps, sans doute assez long mais indéterminé dans le récit, un autre acteur entre en scène insinuant le doute ou une certaine remise en question formulée de la manière suivante : "Dieu a t-il réellement dit: Vous ne mangerez pas de tous les arbres du jardin ?" L'approche est celle d'un fin politicien tacticien, car obtenant la réponse attendue, il enchaîne par "Vous ne mourrez point; mais Dieu sait que le jour où vous en mangerez, vos yeux s'ouvriront et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal." Son but est atteint, il fait mouche. La réflexion est amorcée par ce combat entre le désir de croissance et la limite fixée mettant en péril l'acquis. Ici se joue le drâme de l'humanité. De la contradiction initiée par les dieux naît la notion de risque, lequel permet d'envisager différentes hypothèses avec des conséquences incertaines. Aurait-on voulu générer ce processus de réflexion dans l'humanité qu'on aurait difficilement fait mieux. D'une certaine liberté, l'humanité passait à une liberté totale mais responsabilisante. L'homme serait dorénavant juge de ses actes avec les conséquences qui leur seraient inhérents. C'est d'ailleurs dans ce sens qu'on peut comprendre la référence de Jésus au Psaume 82:6 "Vous êtes des dieux", pour parler de ceux qui avaient connaissance de la Loi (Jean10:34,35).

2/ La parabole de la Pâque et de la Pentecôte juives :

Israël reçoit la Loi de Dieu par Moïse, c'est la Pentecôte juive qui est directement liée à la Pâque juive, c'est à dire la libération du peuple du pays d'Egypte.

Dans ce pays, le peuple endura un mal physique, une aliénation et une injustice. La puissance divine le libéra et lui proposa un rachat : le peuple juif, en échange de sa libération, devenait non plus un esclave physique mais un esclave spirituel en étant soumis à la Loi. C'était donc un retour aux origines mais traduit d'une manière beaucoup plus complexe, comme si l'histoire avait appris aux hommes et qu'ils étaient dorénavant capables d'absorber et de comprendre l'intérêt de respecter des règles plus élaborées. Le bien et le mal n'avaient déjà plus le même visage...

3/ La parabole de l'inconduite d'Israël :

Si la Loi avait suffi à rendre la nation d'Israël supérieure, cela aurait duré. Or, il semble bien que le respect de la Loi dépendait entre autres de la nature des relations spirituelles que ce peuple entretenait avec son Dieu, autrement dit à une notion plus proche de la foi plutôt que de l'observance de simples règles. Cela est particulièrement évident dans le cas d'Abraham qui n'avait pas de Loi mais plutôt un sentiment de ce qui pouvait plaire ou déplaire à Dieu, puis de David, qui lui, passa par des épreuves et des combats (ex: contre Saül ou Goliath) mais en gardant confiance et espoir. Il est notable que les dirigeants d'Israël étaient tenus pour responsables de la direction qu'ils donnaient dans leurs orientations. Les prophètes les rappelaient à l'ordre lorsqu'ils s'écartaient du droit chemin et les avertissaient. Ainsi, par exemple, Sédécias, comme le lui avait annoncé le prophète Jérémie, vit ses fils égorgés devant lui et ses yeux crevés avant d'être amené en exil à Babylone où il pourrit litéralement dans un cachot. Son crime, hormis tout le mal qu'il avait pu commettre, fut le parjure. Nabuchodonosor lui avait fait jurer sa fidélité au nom de Dieu. Ce dernier est clément et miséricordieux, comme on dit, mais sa patience a ses limites (II Rois 25:7; II Chron. 36:12). Bien que la nation ait survécu à travers les siècles, sans jeu de mot tant bien que mal, la démonstration fut faite que ces règles étaient vouées à l'échec quant à ce qui était d'extirper le mal et de résoudre tous les maux et fléaux rencontrés.

4/ La parabole de la Pâque et de la Pentecôte chrétiennes :

Christ est venu en tant que Messie salvateur. Mais pas tout à fait comme l'attendait le peuple juif. Ce dernier s'attendait à un chef libérateur glorieux plus grand que Moïse, capable de renverser Rome. Jésus, dans son message parlait un nouveau langage, la Loi s'y estompait. Il disait la Foi, "ta foi t'a sauvé", l'Amour, et la Vérité. On s'aperçoit qu'il élevait le discours à un aspect moral, pas à un aspect intellectuel proche de l'exégèse mais bien plus fondé sur le bon sens et les bons sentiments. Paul dira plus tard que "la Loi était un tuteur menant à Christ" (Gal.3:24). La mission première du Christ, selon ses dires, c'était le sacrifice volontaire de sa vie (Pâques) puis l'instauration d'une nouvelle alliance pour un royaume. Cette nouvelle alliance prit effet à la Pentecôte lorsque les disciples reçurent l'Esprit Saint et qu'ils furent ainsi à leur tour investis d'une mission, celle d'évangéliser. Christ avait procuré la libération de la Loi en la rompant par sa mort. En effet, l'ayant accomplie entièrement sans se rebeller, il aurait dû vivre. Le fait qu'il soit mort est une contradiction qui rend la Loi de Moïse obsolète et investit sa mission d'une vertu supérieure dans un sens moral et spirituel. La réflexion, la méditation prennent plus de corps, si j'ose dire.

A noter que les juifs consommaient à ce moment-là de l'agneau mais aussi des pains sans levain. Or Paul a montré que ce levain symbolisait la méchanceté et que, par conséquent, s'en abstenir lors de la célébration de l'anniversaire de la mort du Christ, montrait que la vertu l'emporterait grâce à lui. (Mat.16:6, 11, 12; Luc 12:1, Mr 8:15; I Cor. 5:6-8). On en déduit que Jésus associait l'hypocrisie des pharisiens ou des partisans d'Hérode à de la méchanceté. En Lev.23:15-21, le grand prêtre devait balancer de miches de pain levées devant Jéhovah. Or, on remarque qu'à deux reprises, à la pentecôte avec les juifs puis un peu plus tard avec les nations, l'esprit fut répandu sur des êtres pécheurs, rendus purs par leur foi et l'esprit saint. Ac 2:1-4,41; Ac 10:24, 44-48; Ro 5:12.

Là également, les notions de bien et de mal évoluent, et on le notera, creusent des différences culturelles chez les humains.

5/ La parabole de l'Apocalypse :

On ne rentrera pas ici dans une interprétation controversée de ce livre qui est le dernier de la Bible, tant du point de vue de sa place, que du point de vue chronologique puisqu'il a été rédigé par Jean à la fin du premier siècle. Il est remarquable à plus d'un titre. D'une part, on y voit se dérouler une succession de séquences ayant chacune son départ et son aboutissement. Chacune de ces séquences comporte une multitude de symboles se référant à des notions relatives à l'histoire. Il s'agit d'un nouveau langage qui n'est pas humain, et qui fait allusion à un alpha et oméga, c'est une clef de compréhension pour quelque chose de supérieur. Il est à noter que comme par hasard, c'est au tout dernier apôtre vivant, ayant alors une centaine d'années, que ce récit final est octroyé, comme un témoin de passage aux générations futures. Il est ouvert (vers de nouveaux cieux et une nouvelle terre) et fermé (le lac de feu et de souffre) à la fois. Ce récit donne donc la perspective que la loi va encore changer mais en s'ouvrant sur un domaine radieux inexploré.

6/ La parabole de la confusion :

A l'évidence des faits, dire que Dieu n'a pas voulu la confusion ne serait pas honnête. Il a donné à l'homme des capacités importantes mais le temps est nécessaire pour les révéler, premier constat. On peut d'ailleurs penser à la parabole de Jésus sur le blé et la mauvaise herbe pour s'en convaincre. Lorsque les hommes se sont rassemblés pour construire la Tour de Babel, Dieu a confondu les langues. Dire que c'était simplement pour qu'ils s'étalent sur toute la Terre, ainsi que cela avait été dit aux premier couple, serait pour le moins restrictif, quand on connait les capacités étendues de la divinité. La bonne question est de savoir pourquoi il fallait que l'humanité se déploie sur toute la Terre ? De même dans le cas d'Abram, n'eût-il pas existé, un autre homme n'aurait-il eu la foi pour être béni et choisi à seule fin de faire réussir le dessein objectif du Messie de Dieu ? Ne fallait-il pas tolérer le polythéisme des nations pour montrer ensuite la supériorité du monothéisme ? Ne fallait-il pas autoriser différentes conceptions religieuses et politiques pour permettre une forme d'intelligence susceptible d'aboutir à des vérités intangibles autrement ? L'histoire nous le dira mais on peut s'attendre à ce que la confusion mène à une conception cohérente de par une providence non encore advenue. Soyons donc convaincus que, comme le disait Paul, le bien et le mal n'ont aucun sens en soi, ils proviennent d'une éducation reçue dans des circonstances spécifiques : "Je sais et je suis persuadé par le Seigneur Jésus que rien n'est impur en soi, et qu'une chose n'est impure que pour celui qui la croit impure" (Rom. 14:14). Ce n'est donc pas Dieu qui change mais les temps et les évènements; c'est le prisme avec lequel il faut voir l'environnement, comme la pupille qui s'adapte à la lumière qu'elle reçoit pour y voir clair. Trop de lumière ou trop d'obscurité brutales rendent aveugle !

7/ La relation entre Bien et Vertu :

Quoique soient nos opinions sur tel ou tel sujet, il reste en ce monde des directives divines immuables. On peut citer par exemple Phil. 4:8,9 : "Au reste, frères, que tout ce qui est vrai, tout ce qui est honorable, tout ce qui est juste, tout ce qui est pur, tout ce qui est aimable, tout ce qui mérite l'approbation, ce qui est vertueux et digne de louange, soit l'objet de vos pensées. Ce que vous avez appris, reçu et entendu de moi, et ce que vous avez vu en moi, pratiquez-le. Et le Dieu de paix sera avec vous."

De même, en I Tim. 1:8-10 : "Nous n'ignorons pas que la loi est bonne, pourvu qu'on en fasse un usage légitime, sachant bien que la loi n'est pas faite pour le juste, mais pour les méchants et les rebelles, les impies et les pécheurs, les irréligieux et les profanes, les parricides, les meurtriers, les impudiques, les infâmes, les voleurs d'hommes, les menteurs, les parjures, et tout ce qui est contraire à la saine doctrine."

La vertu a du prix pour Dieu qui voulait qu'Israël soit son peuple saint. "Vous devez être saints car je suis saint" Lev. 20:26 ; I Pi. 1:16

C'est pourquoi, Paul conseilla au jeune Timothée : "Fuis les désirs propres à la jeunesse" II Tim. 2:22

8/ Dieu écoute l'homme :

Oui, cela semble incroyable mais quelque fois dans la bible, on voit l'homme résister à Dieu et lui demander de changer de point de vue, et plus incroyable encore, Dieu écoute le conseil et agit conformément. Cela montre l'humilité de Dieu qui se met à la portée de l'homme.

Mais bien entendu, il s'agit de bonnes suggestions. On se souvient de Moïse intercédant pour épargner le peuple afin de ne pas faire retomber l'opprobe sur Dieu ou d'Abraham pour épargner d'éventuels justes de Sodome. Mais dans Ezéchiel 4:12-17, Dieu demande à ce prophète de faire cuire son pain sur des excréments humains comme signe de désolation pour Jérusalem. Ezéchiel répond qu'il ne s'est jamais souillé en consommant quoique ce soit d'impur selon la Loi. Dieu lui permet donc de faire cuire ses aliments sur du fumier de bovin.

Souvent, l'homme dialogue avec Dieu qui lui répond. Ce dialogue réel n'est pas la prière et montre que des anges parlent de la part de Dieu et permettent à Dieu de communiquer avec l'homme lorsque c'est nécessaire.

9/ Mal et méchanceté, une situation réversible :

"Or, en ce qui concerne quelqu'un de méchant, s'il revient de tous ses péchés qu'il a commis et qu'il garde vraiment toutes mes ordonnances et exerce l'équité et la justice, il restera en vie à coup sûr. Il ne mourra pas... Est-ce que je prends plaisir tant soit peu à la mort de quelqu'un de méchant... et non pas plutôt à le voir revenir de ses voies etrester en vie ?... faites vous un coeur nouveau et un esprit nouveau, car pourquoi mourriez-vous, ô maison d'Israël ? ... Car je ne prends pas plaisir à la mort de quelqu'un qui meurt... Opérez donc un retour et restez en vie." Ez.18:21-32

Ce coeur et cet esprit nouveaux sont bien le but du baptème de Jean et de Jésus. Alors que Jean prĉhait la repentance, Jésus vint à lui sans péché pour se faire baptiser et lui dit : "Laisse faire maintenant, car c'est ainsi qu'il nous convient d'exécuter tout ce qui est juste." Mat.3:15