Nature de Dieu
Usuellement (étonnant ce commencement pour parler de Dieu, n'est-ce pas ?). Donc, selon l'usage qu'on en fait depuis que le monde est monde, le mot "Dieu" traduit quelque chose, ou plutôt quelqu'un qui nous dépasse (en tout et pour tout), qui nous précède, et qui nous survit, l'alpha et l'omega en quelque sorte, expression d'ailleurs tirée de l'Apocalypse ou Révélation, où Dieu se qualifie ainsi.
Du point de vue humain, toujours, on observe deux tendances caractéristiques quant à l'approche et la conception d'un dieu et de son influence dans la vie terrestre. Ces deux approches ont un impact essentiel sur notre vie actuelle. La première consiste à penser que Dieu est inaccessible et que la religion supplée à la gouvernance dont nous avons besoin. La seconde relève d'une relation directe avec le divin et entend s'affranchir de tout intermédiaire. Cela soulève une premiere question, qu'est-on en droit d'attendre de ce qui nous dépasse ?
Toujours du point de vue humain, quelles sont les caractéristiques propres à l'humain et distinctes de celles existant chez les autres êtres que nous connaissons, qui pourraient nous faire penser que les limites contingeantes connues ne peuvent être considérées comme telles ?
Troisièmement, en déployant un regard rétrospectif sur notre histoire, quels sont les indices qui nous permettent d'entrevoir une existence qui nous dépasse et d'en définir certains contours ?
Plutôt que de répondre de manière séquentielle à ces trois énygmes, on procèdera à un raisonnement plus global avec des arguments répondant à tel ou tel autre aspect des questions soulevées. Il ne s'agit nullement de démonstrations mais de réflexions censées promouvoir une ouverture sur l'horizon de notre pensée.
On peut d'emblée évoquer ce qui est souvent avancé par les détracteurs de la foi, à savoir que l'idée de Dieu répond à un vide, à un besoin chez celui qui prie, comme si celui-ci était considéré comme malade ou déséquilibré, et que cette croyance l'aidait à vivre malgrès tout, comme ses semblables, qui seraient, eux, supérieurs car n'ayant pas besoin de cela pour trouver un équilibre ou rester équilibré. A cela, on pourrait répondre par l'absurde, en arguant le fait que les religions et les croyances ne sont pas un gage d'équilibre, au vu d'évènements récents ou plus anciens... La religion serait-elle donc l'opium du peuple et comparable à la fuite de la réalité ou à une compensation que certains trouvent dans l'alcool ou les substances hallucinogènes ? Déjà, la toxicité des substances n'est que relative à la quantité absorbée, à la maitrise du sujet qui en consomme et aux limites de compatibilité biologique de notre organisme. Ensuite, il est indéniable que la foi peut avoir un effet moteur sur l'esprit (bon ou mauvais). Pourquoi ? Parce que la conviction a un effet sur la volonté. La foi n'est qu'une conviction, comme l'est une opinion politique. Les raisons de croire donnent une force, qui, comme toutes les autres forces motrices de notre être, émanent de notre cerveau. A la différence que, le raisonnement puise dans une nourriture intellectuelle, alors que les efforts physiques sont alimentés par un simple carburant matériel. Il est notable que, physiologiquement parlant, nous soyons assez comparables aux autres êtres existant sur cette planète. Affectivement, tous les mammifères éprouvent le même attachement pour leurs proches,... Par contre, l'imagination semble être une particularité très humaine. Il est probable que certains animaux comme les primates soient capables d'anticiper à très court terme. L'humain a, de sa part, cette capacité à projeter, à se projeter dans l'avenir, ce qui lui permet d'élaborer des plans, d'avoir des objectifs, de faire des choix réfléchis mais c'est aussi ce qui engendre les divergences d'opinions, de politiques et par conséquent les guerres. En effet, l'homme anticipe pour bâtir, mais aussi la consommation de plaisirs potentiels. Si on l'en prive, il se compare à ses congénères et décrète une injustice... Les forts méritent-ils leur pouvoir ? Est-il légitime de les renverser ou la soumission à une autorité se justifie t-elle ? Ces capacités, certains diront, proviennent d'une évolution naturelle. Soit, mais à l'échelle de l'histoire planétaire, cela s'est fait en un clin d'oeil, et cela se note par ses conséquences irréversibles sur l'environnement. Quelle relation avec la nature d'un dieu ? Cette possibilité, justement, de s'élever au dessus d'une simple logique d'immédiateté existentielle. L'imagination, nous porte naturellement, dès l'antiquité, à penser que nous sommes les jouets de forces qui nous dépassent. Naturelles, au demeurant, mais pourquoi et dans quel but, sujet de toutes spéculations. La boite de Pandorre a été ouverte en quelque sorte, mais rien ne dit qu'une perle de grand prix, comme y fit allusion Jésus, ne s'y trouve pas ! Des chemins salutaires de la pensée existent, c'est en général ce qui génère les règles de sécurité censées nous protéger. Jésus parlait d'un chemin difficile et étroit qui mène à un royaume céleste. Quel rapport avec la nature d'un dieu ? Affectivement, l'absence d'un proche nous est pénible, cela est né d'une relation biologique qui produit ce manque, il ne s'agit pas d'une drogue ou d'un médicament mais d'un besoin naturel qui correspond à notre nature. Pour ne pas éprouver de sentiments, il faudrait devenir insensible. Certes, cela soignerait un mal mais est-ce vraiment une solution ? Ceux qui n'ont pas de proches ou qui ne s'entendent pas avec leur famille ou conjoint se cherchent souvent des proches qui les remplacent. C'est un besoin qui est comblé avec plus ou moins de succès. Peut-on faire un parallèle avec le sentiment religieux ? Ce sentiment, comme évoqué en introduction, peut être comblé collectivement par une religion ou individuellement par une forme de mysticisme. La religion est souvent un raccourci pour celui qui y fait appel ; en effet, on observe souvent, que cela permet au fidèle de ne pas se préoccuper de problèmes religieux, mais de vivre ça par procuration. Une tradition conventionnelle permet de respecter des règles extèrieures sans pour autant se préoccuper du fond. Une délégation de pouvoir et de responsabilité, qui est pratique dans le sens où cela permet de s'acheter une bonne conscience à bon prix. Parfois, tout de même, les traditionnalistes revêtent les deux uniformes, celui de l'adepte de le religion et celui du mysticisme. Personnellement, je pense que cette tendance est la plus dangereuse, car elle n'invoque la pensée que dans la mesure où celle-ci vient appuyer le dogme religieux. Le mysticisme à lui seul, fait appel aux ressources privées du mystique. Si le pratiquant est inculte, le mysticisme sera très basique, du genre de celui qu'on trouve encore chez des chamans. Plus la pensée est alimentée, plus elle se projètera et sera productive. Quel rapport avec la nature de dieu ? Si un dieu existait, nul doute que ce n'est que par la pensée qu'il nous serait donné de communiquer avec lui. Sauf que la pensée extérieure (Dieu) a plus que des millions d'années d'avance sur la notre. Tout ce qu'on pourrait penser aurait donc déjà été vu, ce qui fait penser à cette remarque anecdotique de Jésus et peu compréhensble par ses contemporains, "cela est déjà arrivé". Tout ce que nous pouvons réaliser est déjà dépassé avant que nous le fassions puisque l'infini du passé rend improbable une innovation réellement innovante. Toujours est-il que dans cette perspective, nous sommes bien placés dans l'ordre naturel des espèces entre Dieu et le règne (tiens !) animal. Est-ce dans ce sens que Jésus disait que le Père était plus grand que lui ? Toujours est-il que comme un rapprochement sentimental à des personnes répond à un besoin naturel, il se pourrait bien qu'un rapprochement spirituel avec un dieu, réponde aussi à un besoin, mais d'une autre nature. Ce besoin est sans doute comblé d'une manière ou d'une autre, ainsi, la notion d'idolatrie présente dans l'histoire religieuse du monde, témoigne de cette volonté de se rattacher à un monde immatériel par des objets plus concrets, mais de nos jours, cette idolatrie se révèle dans l'adoration incontrôlée des humains envers toutes sortes de succédanés : stars, bolides, gloire, plaisirs effrénés, religions... Avec des conséquences très nocives.
Le rapport entre humain et relations envers ce qui le dépasse étant établi, peut-on entrevoir la nature de Dieu ?
Des allusions ont déjà été émises quant à l'essence de pure pensée propre à cette nature. Il est clair que c'est la seule chose que nous pouvons imaginer, puisqu'aucun homme n'a jamais vu Dieu, de l'aveu même de Jésus qui disait l'avoir connu. Cela ne veut pas dire que cette nature se résume à la pensée, c'est plutôt la contingence de nos capacités qui fait que nous ne soyons capables de percevoir que cet état-là de Dieu. L'Apocalypse parle d'êtres qui ont sur le corps des yeux patout au dedans et au dehors. Aujourd'hui, avec notre langage technologique, on parlerait de capteurs permettant d'obtenir des informations. Si nous avons par la pensée, le pouvoir de communiquer avec des entités qui nous dépassent, autre chose est de croire ce que certains veulent nous faire passer pour Dieu. Des êtres supérieurs ne peuvent être nos esclaves et ne peuvent être là seulement pour aquiescer à notre bon vouloir. Par contre, il est légitime de penser que ces êtres puissent apprécier certains humains en raison de critères de qualité qui leur soient propres. Une communion plus ou moins intense peut alors avoir lieu, celle-ci bien qu'intime, peut avoir des effets dans la vie des croyants. Souvent, cet état est qualifié d'état de grâce par certains. Cet état ne peut affranchir celui qui en est le bénéficiaire des aléas de la vie, cela serait trop facile, mais son attitude d'esprit subissant une inclination vers les fruits de l'esprit (amour, paix, joie, longanimité, bienveillance, bonté, douceur, foi, et maitrise de soi) rendent les difficultés plus maitrisables, surtout si le plaisir n'est plus une fin en soi. En passant, rappelons que le bonheur est une conséquence et ne saurait être un objectif, sans quoi la cible sera ratée tôt ou tard. Pour revenir à la nature de Dieu, les écritures hébraïques de la bible déclarent que Dieu ne connait le méchant que de loin. Dans cette optique, on comprend qu'il existe une certaine multiplicité dans la nature de Dieu. Sans parler d'omniprésence, on pense généralement que les forces en vigueur dans l'univers et notamment toutes les règles de construction du monde, comme les enseignent les disciplines telles que la physique, la chimie, la biologie ou la génétique, sont maintenues par une force active émanant de Dieu. Or, comment se fait-il que Dieu maintenant la vie d'un être ne le connaisse que de loin ? C'est là qu'on peut faire appel à une image. Lorsqu'on construit un mécanisme ou un système, on est capable de le maintenir et de le réparer sans pour autant s'en préoccuper. En fonctionnant il peut vivre sa vie indépendamment. Même une énergie peut être générée et durablement fournie sans être l'objet d'attention particulière. On peut donc comprendre que ce qu'on appelle Dieu est composite, des outils sont à sa disposition et ils ont été mis en oeuvre. Certains parlent par exemple d'une force active, du souffle de Dieu ou d'esprit saint. La Sagesse de Dieu est aussi représentée par le Messie, créé comme première oeuvre de Dieu. Se peut-il que la conception du Dieu que nous avons ait pu se passer de sagesse pendant des lustres ? En réfléchissant méticuleusement, on s'aperçoit du fait que les qualités principales de Dieu sont personifiées par des représentations terrestres. Taureau pour la puissance, Aigle pour la sagesse, Lion pour la justice, Homme pour l'amour. Ce qui m'intéresse ici c'est la dissociation de ces qualités. Le char d'Ezéchiel se meut avec ces forces représentatives de qualités donnant au char son équilibre (4 roues) mais aussi une mobilité omnidirectionnelle dans le sens d'une qualité ou d'une autre. Sur ce char, il y a un trône et Dieu qui siège. Est-ce le lieu normal pour siéger sur un trône ? Non, c'est une image ayant une signification. Ce qu'on appelle Dieu dirige ce char avec conseil relatif à ces qualités. Qui est Dieu ? On le saura lorsqu'il décidera de se révéler mais ses qualités le révèlent d'une certaine manière quoiqu'il en soit.
Un autre aspect très intéressant de cette nature peut également être déduite des interventions connues de Dieu par le passé. Bien que Jésus ait été sur Terre un modèle de tolérance et de miséricorde, et qu'il ait cherché à rassembler le peuple d'Israël derrière lui, il ne transigeait pas moins avec la moralité. Si l'on veut s'en convaincre, il suffit de lire le sermon sur la montagne dans les évangiles. Dieu même, n'a jamais cherché à rassembler l'humanité dans un plus grand commun dénominateur ! Bien au contraire, il a toujours séparé. Je vais donner quelques exemples :
Exclusion du jardin d'Eden suite à un critère de sélection,
Pas d'intervention dans la lutte fratricide entre Abel et Caïn,
Exclusion des peuples opposés à Noé lors du déluge,
Division des peuples lors de l'évènement de la Tour de Babel,
Séparation d'Abraham du reste des hommes d'Ur vers un nouveau territoire,
Séparation entre les destins d'Isaac et d'Ismaël (tous deux fils d'Abraham et bénis par Dieu),
Extraction du peuple juif d'Egypte,
Extermination du peuple de Canaan (ou presque) au profit du peuple juif,
Séparation des tribus d'Israël et de Juda,
Création d'une nouvelle alliance rendant caduque la loi juive et suscitant dès lors une rivalité dans la foi,
Permission de l'émergence de religions et politiques favorisant la confusion, voire le chaos.
J'arrête là la liste, qui de toute évidence, tend à montrer que, même si Dieu ne peut être tenu pour responsable principal dans tous ces faits, il n'a rien fait pour s'y opposer et on peut même avoir tendance à penser, si on reste honnête, qu'en en ayant la possibilité mais n'en usant point, il tire profit pour sa gloire, à défendre le faible quand il n'y a plus d'espoir et à humilier le gros de la troupe quand elle se sent forte.
C'est comme si la leçon ne pouvait être apprise que par ceux qui n'ont plus rien à perdre, et que toute sagesse ou bien humain était futile et ne mériterait que peu d'attention. Dieu est esprit, et la vie ne serait qu'un voyage transitoire, comme le commémore chaque année le peuple juif avec ses cabanes, où nous serions des SDF en attente d'un vrai domicile fixe ailleurs.
A défaut de connaître Dieu, on reste dans une quête du but de l'existence, d'une réalité qui nous échappe.