Réalité et Irrationnel

La physique quantique révolutionne la manière dont les scientifiques appréhendent le monde réel aujourd'hui. Ils déclarent que la mécanique quantique gouverne toute la physique connue.
A l'origine, elle était censée décrire le comportement des atomes et des particules. Et comme la relativité, elle marque une rupture avec ce qu'on appelle maintenant la physique classique.
Comme les lois de la théorie de la relativité ont pu être prouvées dans l'infiniment grand, celles de la mécanique quantique le sont aussi (équations de Shrödinger) dans l'infiniment petit.
Par contre, la physique quantique est bien plus déconcertante et suggère une réalité, existante en soi, mais impossible à faire coïncider avec notre expérience mais en compensation, elle fournit une règle de calcul universelle permettant de prédire la dite expérience.
La physique classique qu'on apprend dans le secondaire et dans les universités est compatible avec ce que les physiciens appellent le réalisme local, et suffit pour comprendre tous les phénomènes physiques classiques auxquels nous pouvons être confrontés. C'est un peu comme la relativité qui est toujours valable mais dont les effets à notre échelle sont négligeables. Jusqu'à il y a peu, la physique supposait que l'esprit humain avait en sa possession tous les concepts correspondants à ce qu'est le réel. Hypothèse qui paraissait confirmée par l'expérience. On pouvait espérer qu'il en soit de même avec la physique quantique. Cependant, même à leur époque, Bohr et Heisenberg, les fondateurs de cette physique, restaient prudents sur cette vision des choses.

Appliquée aux problèmes statiques, on parle de physique quantique standard, celle-ci semble respecter nos concepts (détermination des niveaux d'énergie...). Le problème qui réduit la recherche des conditions dans lesquelles la fonction d'onde (fonction des coordonnées d'espace et du temps) peut s'écrire comme le produit d'une fonction des seules coordonnées d'espace par une fonction du temps et qualitativement, cela ressemble au problème classique des cordes vibrantes (la corde est une réalité dont la forme évolue dans le temps). D'où l'idée que la fonction d'onde est elle aussi une réalité existant indépendemment de nous, que c'est elle qui constitue la réalité de ce que nous appelons une particule. La fonction d'onde est considérée comme l'information d'un système la plus précise qu'on peut avoir sur un système. On ne considère alors pas d'autre paramètre.
 
Appliquée aux problèmes dynamiques, si on s'intéresse aux phénomènes de collisions, le phénomène qui se produit lors des collisions de 2 particules, nous montre qu'on a à faire à des objets distincts (2 fonctions d'onde distinctes) avant le choc mais qu'après, on a bien une fonction d'onde correspondant au calcul des équations de Shrödinger, mais on ne peut séparer les composantes des coordonnées des 2 particules. Il en résulte une seule fonction d'onde avec intrication des fonctions d'onde des 2 particules origine, et pourtant on peut observer 2 particules à 2 endroits différents après le choc. C'est déjà une confirmation du coté mystificateur de cette théorie quantique. A la question qu'est-ce qui est réel, l'expérience semble suggérer une réponse et en même temps cette réponse contredit ce que nous tenons pour évidemment vrai. Si la mécanique quantique bafouille ainsi quant la question du réel, comment expliquer que ses axiomes soient maintenant au coeur des physiques nucléaire, des hautes énergies, de l'electromagnétisme et de presque toute la chimie... et que ses prédictions expérimentales aient toujours été trouvées justes ?
 
Je ne vais pas me lancer ici dans un cours de physique, que je suis d'ailleurs incapable de donner. J'ai seulement des notions initiatiques lointaines, mais celles-ci me permettent simplement de comprendre en gros de quoi il s'agit. Je donne donc ici 2 liens qui permettront à tout un chacun de vérifier mes propos et qui montreront que ces interprétations sont bien celles de physiciens et philosophes très sérieux.
https://www.youtube.com/watch?v=Jd8FiWJ5v8M
https://www.youtube.com/watch?v=XfxTATYprX0
 
Apparemment, la répétition de l'expérience change la probabilité du résultat et par conséquent, la mesure influencerait le résultat, ce qui contredit la physique relativiste postulant qu'il ne doit pas y avoir de changement instantanné à distance. C'est pourtant ce qu'on constate. Tout se passe comme si l'expérience précédente était connue pour fournir le résultat suivant. La conséquence énoncée par ces physiciens est la suivante : Le renoncement au réalisme local, qui mène par conséquent à un viol des lois du bon sens et de celles de la physique relativiste.
 
Il semblerait que, pour la première fois dans l'histoire de la philosophie, le choix de croire qu'il existe un monde extérieur à tout observateur et grossièrement conforme à tout ce que nous percevons ne soit plus possible, sauf à adopter une attitude irrationnelle.
 
A ce stade, contraints de conserver cette non-localité incompatible avec l'interprétation classique de la relativité, le réaliste se voit obligé de jeter du lest.
Préserver l'idée que le réel est scientifiquement connaissable en renonçant à exiger qu'il soit grossièrement conforme à ce que nous en percevons, voire conforme à la relativité.
 
Le réalisme des entités qui nous entourent devrait faire que la non-localité nous crève les yeux mais cela n'est jamais observé à notre échelle.
La physique quantique est néanmoins très féconde quant à ses prévisions, explications et résultats expérimentaux mais contredit le réel tel que nous le percevons. La non localité conserve toutefois le fait qu'on n'ait pas de signaux plus rapides que la lumière. Mais une notion de décohérence doit être introduite et qui implique que l'observateur fait partie du système. On ne peut avoir de vision telle qu'on observerait le système depuis un extérieur inconnu.
 
Une image de ce qui se passe peut être donnée par l'Arc-en-Ciel. En effet, Descartes a résolu par l'optique cette apparente incohérence qui se présentait à lui. On ne peut en effet faire le tour d'un arc-en-ciel, on ne peut le voir de profil parce qu'il est une apparence construite par des lois d'optique. Pourtant, il s'impose à nos sens, ce n'est pas une illusion, mais il est dépendant de l'observateur et n'est pas une réalité en soi.
Se peut-il qu'il en soit de même des objets ordinaires qui nous entourent ? Que la réalité soit différente de la synthèse de l'expérience humaine communicable, limitée, construite sur la raison humaine forcément limitée elle aussi ?
On doit l'accepter, sinon nous avons une violation de l'inégalité de Bell (https://fr.wikipedia.org/wiki/In%C3%A9galit%C3%A9s_de_Bell) et du fait que les interactions entre éléments très lointains soient impossibles.
La citation de Poincaré (1902) est intéressante : "Les objets réels que la nature nous cachera éternellement"
La science, d'après certains, les informations fournies par la physique actuelle ne sont pas des descriptions d'une réalité qui serait extérieure à tout observateur.
Cela induit un problème philosophique : Comment interpréter les informations en question ? Elles sont relatives à la nature de la connaissance, ce sur quoi elles portent.
Si on se réfère à Berkeley et Kant, une réflexion porterait sur les déductions qui doivent se limiter aux données de notre expérience collective, mais ne doit pas être interprétée comme réalité en soi, il s'agit d'une notion à portée métaphysique.
Toutes les données issues de l'expérience émanent bien de nous, de l'esprit humain. Erwin Shrödinger en était bien conscient. Il relevait l'incapacité de la science à rendre authentiquement compte de ce qui touche aux émotions, elle ne sait rien du beau/du laid, de l'amer/du doux, de la douleur/du plaisir physique, du bien/du mal, et lorsqu'elle s'imagine nous en parler, ce qu'elle dit est hors sujet. L'esprit humain n'est pas un élément du monde, ce qui fait que la science ne sait l'y représenter. D'après l'inventeur du terme "Trou Noir", John Archibald Wheeler (théorie "it from bit"), l'esprit humain serait premier par rapport à tout.
 
Peut-on sauver quelque chose du réalisme, qui lui, comporte 2 postulats ?
  • l'existence est première par rapport à la connaissance (il existe un réel qui ne soit pas nous),
  • le réel est endroit connaissable par l'être humain.
Le second postulat nous met dans l'embarras en physique quantique et entraine le fait qu'on ne puisse conserver le premier non plus.
Il n'est même pas indispensable de couper tout lien entre le réel et nos esprits, il suffit de considérer que le réel les influence mais d'une manière si indirecte que nous ne pouvons pas remonter systématiquement des effets aux causes et par là décrire scientifiquement ce réel en soi.
Loin d'être ésotérique, l'idée d'un réel en soi se situant pour une grande part au delà de la portée de nos concepts a quelque chose d'assez naturel.
Il semble en effet clair que la puissance conceptuelle de l'être humain est supérieure à celle du chien ou du singe. Alors, a t-on atteint la limite en ce domaine ? La limite de ce qui est conceptualisable. Qui nous garantit que le fond des choses, qui n'est pas accessible au chien, le soit à nous ?
Si nous répugnons à nous voir comme les seuls existants (pensée de Shrödinger), nous devons prendre au sérieux un fond des choses suprêmement réel mais en revanche situé tellement au delà de la portée de nos concepts, aussi bien familiers que mathématiques, que les phénomènes, tant ceux que l'on perçoit que ceux que la science décrit, ne nous permettent pas de le décrypter. Au mieux on perçoit des lueurs, et encore très incertaines, d'où la dénomination de "réel voilé".
Concernant ce réel, les mots ne peuvent être qu'évocateurs de choses devinées, proches de ses émotions dont Shrödinger nous rappelait que la science n'y atteint pas. Méditer sur ces lueurs, c'est s'engager sur la voie de la philosophie spéculative. Ce n'est, en dehors des heures de travail, pas interdit, et on peut demander à la mécanique quantique ce qu'elle suggère. Un formalisme globalisant (2 particules vers une entité...). La vision d'un monde atomisé en une multitude d'éléments simples plus ou moins localisés qui rendraient compte des objets composant le monde, est intenable. Il s'agirait d'un réel essentiellement global comme l'un de Plotin, mais que nos esprits ne le perçoivent que sous les apparences d'une multitude d'objets.
On abandonne ainsi une vision réductrice de l'être selon laquelle seule la science était qualifiée pour nous donner accès au fond des choses. De ce fait l'Art, la Musique, la Poésie s'y trouvaient confinées dans le seul domaine du plaisir. Intuitivement, la plupart des amateurs de musique classique, de peinture ou de poésie, ont le sentiment, pour certains même la conviction, qu'au delà du simple plaisir et des émotions que leur donnent ces choses, leur ouvre comme une fenêtre vers quelque chose dont ils savent intuitivement qu'il est essentiel. Rien de conceptualisé, domaine un peu mystérieux dont on ne peut capter que des lueurs. La notion de réel voilé a une certaine similarité avec ce que ressentent ces personnes et elle leur donne une certaine légitimation, même au regard de la froide raison.
François Villon "Rien ne m'est sûr que la chose incertaine", sa belle notion de chose incertaine est plus qu'une rêverie poétique et ne mérite en rien l'éventuel dédain du scientifique.